parlons peu, parlons local

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Voilà un moment (genre trois ans) que j'envisage de faire un petit billet sur les expressions typiques du coin, vu qu'autant mes "Y a degun", "C'est guinguette" et "Et mon vié !" ont pu surprendre mes collègues de promo, autant des fois en stage j'ai bien bugué sur certains usages lexicaux en vigueur dans mes nouveaux parages, et pas seulement chez les ancêtres. Voici donc un petit florilège linguistique, et rassurez-vous, très peu médical :)

[article bien sûr amené à s'allonger en fonction de mes récoltes]

Benner : renverser, jeter ? "J'ai benné quatre plaques d’œufs dans la voiture".

Brasser : "Je sais pas ce que j'ai mangé mais ça me brasse !". Peut aussi prendre un sens plus métaphorique, du style "Oh mon dieu, le voir dans cet état, ça me brasse...".

Boutiquer : ah, mon correcteur orthographique non plus ne le connaissait pas, lui. Signifie "trafiquer", "fabriquer", avec le sous-entendu d'une incompréhension notoire du comportement de l'intéressé de la part du locuteur. "Je sais pas ce qu'il a boutiqué dans sa chambre, y a des vêtements partout, il a monté le lit à fond, va falloir prévenir la famille de venir faire un peu le tri...".

Chiner : ailleurs, ça veut dire trainer dans les brocantes ou draguer, ici, c'est râler.

Culbute (faire la), ou "relève" selon les endroits mais culbute j'aime bien : enchainer un horaire de matin après un horaire de soir (quand j'étais au CHU à Angers, j'ai dormi chez ma tante, parce que terminer à 22h et reprendre à 6h30 avec une heure de route dans chaque sens, c'était un peu trop sportif pour moi !).

Débarrer : alors lui l'autre jour il m'a cueillie en plein vol : "T'auras qu'à débarrer la porte avec le passe". Ah ben oui, ici on ne verrouille pas, on barre, donc forcément, on n'ouvre pas, on débarre...

Débaucher : "Tu débauches à quelle heure ?". Il ne s'agit pas d'aller faire en douce et en imper la sortie des écoles maternelles, mais du simple antonyme de "embaucher". Simple, pratique, mais peut-être pas élégant.

De bois : "Passe-moi un crayon de bois, tu veux ?". Oui, après tout un crayon papier n'est pas en papier.

Entendre haut : être un peu sourd...

Meumeu : "Avec une hyperthermie à 41 et une CRP à plus de 600, on peut dire qu'il se tape une infection meumeu". Je pensais que c'était du local saumurois pour dire "costaud", mais ma belle-sœur, néphrologue à Nice, l'utilise aussi. Par contre, là où je bosse actuellement, au sud d'Angers, personne ne connait. Du coup je m'interroge : idiome local ou vocabulaire technique ?

Mon gars : "Mon gars entre au lycée, va falloir qu'il assure". Ici, un gars une fille c'est pas les mêmes rapports que Chouchou et Loulou...

Pichelin : ça sonne sudiste mais c'est typique de Saumur, merci l'apéro entre voisins. "Nan mais toi t'as un bouton ça y est c'est un cancer.. T'es un peu pichelin !"

Prendre dur : prendre cher, sans la nuance métaphorique. Clairement, ça fait mal.

Rendu : peut-être pas typique du coin, mais plus courant que le classique "Ben on n'est pas rendu !", exemple : "T'es rendue où dans tes soins ? T'as besoin d'un coup de main ?".

Se craindre : à ne pas confondre avec le "craindre" marseillais (voir plus bas). D'une qui est un peu trop à l'écoute de ses sensations, on dira qu'elle se craint... "Elle a pas mal quand on lui refait le pansement, c'est surtout qu'elle se craint beaucoup !".

Taille : mis un moment à le comprendre, celui-là. Signifie plein, beaucoup, pléthore, multitude, abondance, débordement, submersion, avalanche, bref, une idée de "trop". Comme dans "Ça avance comment les filles ce matin ? - On est que trois, c'est la taille !" (en gros, c'est le bordel). Ou dans "Elle est encore en  selles liquides, y en a à taille" (en gros, une chiée). Ou bien ce délicieux "Il m'a proposé d'aller balader, j'lui ai dit Mais t'as pas vu la taille de ma maison !" (en gros, non, je n'habite pas un manoir, par contre j'en ai quand même pour quatre heures de ménage...).

Tantôt : ou plutôt "ce tantôt". Pour moi, l'équivalent de "des fois", "soit". Ici, tout simplement, "cet après-midi".

Tirer du cœur : avoir la nausée.

Topette : très usité à l'hôpital. "Bon allez, topette, à lundi !". La version désuète et campagnarde du "Tchao" vite envoyé.

Tort : à chacun ses limites ! "Moi, nettoyer les oreilles, ça me fait tort". Dans le Sud, "on le craint".

Trouver : Après une prise de sang, je demande comment la patiente l'a vécue : "Bah ça va, j'l'ai pas trouvée". Grand moment de solitude, que je mets sur le compte d'un léger désordre cognitif chez la vieille dame. Un quart d'heure après, un monsieur me ressort la même phrase. Je comprends qu'ici, on ne sent pas, Monsieur, on trouve. Le même monsieur, plus tard, à qui je demande comment il supporte ses bandes de contention, me répond la même chose : "Bah j'les trouve pas". Me suis retenue de lui dire qu'elles étaient à ses jambes...

Vers : "Mr Machin, retour à domicile à 15h, il a les papiers vers lui". La première fois, ça choque, après on comprend que ça remplace "avec".

Publié dans ces quelques fleurs...

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